L’assurance-vie est un outil de gestion patrimoniale incontournable, largement apprécié pour ses avantages fiscaux et civils. Parmi ses éléments clés, la clause bénéficiaire joue un rôle essentiel dans la transmission de l’épargne accumulée et non consommée par l’assuré/souscripteur.
L’assurance-vie : atouts civils et fiscaux
L’assurance-vie, outil incontournable de la gestion patrimoniale, est considérée comme le placement préféré des français. Cette enveloppe d’investissement peut être utilisée à des fins :
- D’outil d’épargne à court terme ;
- De source de revenus complémentaires à moyen et long terme ;
- De support de transmission d’un patrimoine financier.
Civilement, les sommes investies au sein de ce contrat n’entrent pas dans l’actif successoral du défunt et ne sont donc pas soumises aux règles de la dévolution légale (peu importe l’âge de versement des primes), sauf cas de primes manifestement exagérées. Fiscalement, il convient de distinguer les primes versées sur le contrat en fonction de l’âge du souscripteur lors des versements.
Primes versées avant 70 ans (990I CGI) | Primes versées après 70 ans (757B CGI) |
Civilement, les capitaux décès n’intègrent pas la succession du défunt (sauf primes manifestement exagérées) | |
Abattement de 152 500 € par bénéficiaire Après abattement : > Imposition de 20% jusqu’à 700 000 € > Imposition de 31.25% au-delà des 700 000 € Ex : 300 000 € sur un contrat > 2 enfants bénéficiaires > 300 000 € transmis sans fiscalité et hors succession
| Abattement de 30 500 € tous bénéficiaires confondus. 300 000 € sur un contrat > 2 enfants bénéficiaires > 30 500 € transmis sans fiscalité puis 270 000 € taxés aux droits de succession classiques
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La clause bénéficiaire : un élément clef du contrat d’assurance vie
La clause bénéficiaire permet au souscripteur de désigner la ou les personnes qui recevront les capitaux à son décès. Son rôle est essentiel car elle détermine directement qui profitera de l’épargne accumulée et non consommée. Le bénéficiaire peut être une personne physique (conjoint, enfant, proche, etc.) ou une personne morale (association, société, organisme de charité, etc.). Cette clause garantit également une transmission directe du capital sans passer par la procédure classique de succession, ce qui permet un gain de temps, une réduction des coûts et une simplification administrative.
Les écueils d’une clause bénéficiaire mal rédigée
La clause bénéficiaire doit indiquer l’intention du souscripteur de manière claire et explicite. En cas d’ambigüité, l’intention du souscripteur devra être recherchée, ce qui peut compliquer et ralentir les démarches. Voici quelques imprécisions qu’il convient d’éviter :
- L’utilisation de termes génériques, par exemple « mes héritiers », car cela est sujet à interprétation : qui considère-t-on comme héritiers ? Les enfants ? Le conjoint survivant ? Les petits-enfants ?
- L’absence d’ordre de priorité, par exemple « mon conjoint et mes enfants » : en cas de prédécès du conjoint, l’assureur doit-il verser la totalité aux enfants ?
- Une mention vague comme « mon conjoint » : cette clause peut être source de mauvaise interprétation : en cas de divorce sans mise à jour de la clause et de nouvelle union, qui est le conjoint bénéficiaire ?
Fiscalement, si aucun bénéficiaire n’est précisément désigné, les capitaux sont réintégrés dans l’actif successoral taxable et donc soumis aux droits de succession classiques, sans profiter de l’avantage fiscal que procure le contrat.
Une clause mal rédigée ou imprécise peut donc exposer les héritiers à des litiges familiaux, des délais de versement plus longs et une fiscalité alourdie.
La rédaction d’une clause bénéficiaire précise
Une rédaction claire et détaillée de la clause bénéficiaire est donc essentielle. Il convient donc, si possible, de mentionner les bénéficiaires nominativement (en incluant le plus de détails possibles comme leur nom, prénom, date de naissance, lien de parenté). En cas de groupe de personnes (par exemple les enfants), il est préférable de préciser « mes enfants nés et à naître, par parts égales » de sorte à inclure les enfants nés après la rédaction de la clause. Pour le conjoint, il est préférable d’ajouter certaines précisions comme « mon conjoint non divorcé, non séparé de corps, non engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps au jour du décès ». Si le souscripteur souhaite une représentation, il convient d’ajouter à la suite du bénéficiaire la mention « vivant ou représenté ».
L’ordre de priorité est également primordial : il permet d’assurer la transmission y compris en cas de décès ou de renoncement d’un bénéficiaire. Par exemple : « 1Er rang : Mon conjoint (…), Mme Prénom NOM ; 2ème rang : Mes enfants nés et à naître, vivants ou représentés ; 3ème rang : Mes héritiers légaux ».
Dans tous les cas, il est important de réviser régulièrement la clause afin qu’elle soit en adéquation avec l’évolution de la vie du souscripteur et de l’actualiser à la suite d’un changement matrimonial, d’une naissance, d’un décès ou de tout autre événement de vie.
Un outil souple et modulable
Le souscripteur peut également préciser la répartition souhaitée entre les bénéficiaires. Par exemple, il pourra choisir de partager les capitaux de manière égalitaire ou inégalitaire.
Il est également possible de rédiger une clause bénéficiaire démembrée. Ainsi, il est possible de donner l’usufruit des capitaux décès au conjoint survivant et la nue-propriété aux enfants. Cela permet sur le plan civil de protéger le conjoint survivant tout en assurant une transmission pérenne aux enfants, et, sur le plan fiscal, d’alléger la base imposable.
Exemples chiffrés :
Mme Y a versé 500 000 € sur un contrat d’assurance vie avant 70 ans, elle est mariée avec M. X et a 2 enfants, E et P. A son décès (hypothèse de l’âge du conjoint survivant 75 ans), ses héritiers subiront la fiscalité suivante (hypothèse taux d’imposition de 20 % au décès de M.) :
- Clause standard : « Mon conjoint, à défaut mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales, à défaut mes héritiers »
Clause bénéficiaire standard | |||
Bénéficiaire | Transmission brute | Droits de succession | Transmission nette |
Conjoint survivant | 500 000 € | 0 € | 500 000 € |
Au décès de M. X | |||
Bénéficiaire | Transmission brute | Droits de succession | Transmission nette |
Enfant E | 250 000 € | 50 000 € | 200 000 € |
Enfant P | 250 000 € | 50 000 € | 200 000 € |
- Clause démembrée : « Mon conjoint M. X pour l’usufruit, mes enfants E et P pour la nue-propriété, par parts égales. »
Clause bénéficiaire démembrée | |||
Bénéficiaire | Transmission brute | Droits de succession | Transmission nette |
Conjoint survivant | 500 000 € en USUFRUIT exonérés de droits de succession | ||
Enfant E | 250 000 € | 13 650 € | 236 350 € |
Enfant P | 250 000 € | 13 650 € | 236 350 € |
Si rien n’est précisé, le démembrement de la clause bénéficiaire donne naissance à un quasi-usufruit, en vertu de l’article 587 du code civil (les capitaux décès étant consomptibles par leur usage) : l’usufruitier peut alors jouir de la somme, à charge de rendre aux nus propriétaires, à la fin de l’usufruit, un équivalent en valeur. Cela se matérialise par une créance de restitution, valable d’un point de vue civil ET fiscal.
Dans certains cas, il peut être opportun de démembrer seulement une partie de la clause bénéficiaire et de transmettre l’autre partie des capitaux décès en pleine propriété aux enfants. Cela leur permet alors de financer les droits de succession tout en maximisant l’abattement disponible.
Par exemple, le fait de transmettre 400 000 € en démembrement et 100 000 € en pleine propriété aux enfants permet :
- D’une part de réduire la part taxable (le solde d’abattement non consommé sur la partie démembrée est imputé à la part en pleine propriété) ;
- D’autre part de financer les droits de succession à régler (7 500 € pour chaque enfant) au premier décès avec la partie en pleine propriété (50 000 € chacun).
Clause bénéficiaire partiellement démembrée | |||
Bénéficiaire | Transmission brute | Droits de succession | Transmission nette |
Conjoint survivant | 400 000 € en USUFRUIT exonérés de droits de succession | ||
Enfant E | 50 000 € en PP 200 000 € en NP | 7 500 € | 242 500 € |
Enfant P | 50 000 € en PP 200 000 € en NP | 7 500 € | 242 500 € |
Enfin, il également possible de rédiger une clause bénéficiaire à tiroirs (aussi appelée à options) qui permet au souscripteur d’offrir plusieurs options aux bénéficiaires. Exemple :
« Je désigne pour bénéficiaire de mon contrat celle qui sera mon épouse au jour de mon décès.
Elle pourra à son choix accepter :
– soit la totalité du capital décès en pleine propriété ;
– soit la totalité en usufruit seulement ;
– soit la moitié du capital en pleine propriété et l’autre moitié en usufruit.
La fraction du capital qu’elle n’aura pas acceptée, bénéficiera à mes enfants, vivants ou représentés, par parts égales. »
Chaque situation est spécifique et il est fortement recommandé de se faire accompagner dans ces démarches.
Conclusion
L’assurance-vie est un outil de transmission particulièrement avantageux et la clause bénéficiaire en est un élément essentiel. Une rédaction imprécise de cette dernière peut être source de litiges et de conflits futurs. Dans un but de prévention et d’optimisation patrimoniale, il convient de soigner sa rédaction afin de garantir une transmission pérenne sur le plan civil et efficace sur le plan fiscal. L’accompagnement par un professionnel permet au souscripteur de s’assurer de la bonne rédaction de sa clause et peut également, dans un but d’optimisation, lui permettre de la rédiger sur-mesure afin de l’intégrer au sein d’une stratégie globale de transmission.