Le présent d’usage : définition et fondement juridique
A l’approche des fêtes de fin d’année, des anniversaires ou des mariages, la même question se pose : comment gâter ses proches sans toutefois être imposé ?
Il existe dans le Code civil un mécanisme souvent méconnu qui permet de faire plaisir en toute légalité et sans conséquences fiscales : le présent d’usage. Cette notion juridique, consacrée par l’article 852 du Code civil, correspond à un cadeau n’excédant pas une valeur raisonnable et qui est fait à l’occasion d’événements particuliers.
Les deux conditions indispensables à respecter
Pour ne pas être requalifié en donation et donc soumis à taxation et à rapport successoral, le présent doit remplir deux conditions cumulatives.
Le cadeau doit être lié à un événement particulier
Le présent d’usage n’est pas un virement bancaire régulier ou un chèque donné « sans raison ». Il doit être lié à un événement qui justifie l’acte d’offrir (mariage, anniversaire, obtention d’un diplôme, fêtes de fin d’année, etc). L’acte de donner doit être simultané ou très proche de l’événement en question. En pratique, il est important d’effectuer le présent dans une temporalité proche de l’évènement le justifiant et également de mentionner le motif sur le virement ou le chèque (par exemple « Cadeau de Noël »)
Un montant proportionné au patrimoine du donateur
La condition de proportionnalité est la plus délicate à respecter car elle repose sur une notion subjective : la valeur du présent d’usage doit être raisonnable au regard du patrimoine et des revenus du disposant (celui qui donne). Le ministère de l’économie et des finances a récemment apporté dans une rubrique quelques précisions concernant cette valeur : elle ne doit pas excéder 1 à 2% du patrimoine du donateur ou 2,5% de ses revenus annuels. Ce n’est toutefois pas une règle générale et il est important de se faire conseiller afin d’éviter toute requalification.
Exemple : Si Madame E., dont le patrimoine s’élève à 5 millions d’euros, offre une montre d’une valeur de 15 000 € à son fils pour son mariage, ce cadeau pourra très probablement être qualifié de présent d’usage. En revanche, si Monsieur P., dont le patrimoine total est de 200 000 € (et les revenus modestes), offre la même montre, ce geste pourrait vraisemblablement être requalifié en donation car il est disproportionné eu égard à sa capacité financière.
Un présent d’usage doit donc rester une menue gratification qui n’appauvrit pas significativement celui qui donne. Le montant doit être cohérent avec le train de vie habituel du disposant.
Selon la jurisprudence existante, une gratification à l’occasion de Noël de 15 000 € pour chacun de ses enfants par une mère dont le patrimoine s’élève à 1 250 000 € est considérée comme un présent d’usage (CA Paris, 1ère, B, 11-04-2002, n° 2001/03791).
En revanche, des chèques de 15 000, 1 800 et 20 000 euros remis par une mère à sa fille à l’occasion de divers évènements ne peuvent correspondre à des présents d’usage, étant observé que le revenu imposable de la bienfaitrice n’était que d’environ 23 000 euros (CA Chambéry Chambre civile, section 1, 7 mai 2013, n°11/02915).
Les avantages civils et fiscaux du présent d’usage
Le respect des deux critères que nous venons d’évoquer (occasion et proportionnalité) permet au présent d’usage de produire deux avantages majeurs, essentiels à une gestion patrimoniale efficace.
Le premier est l’absence de fiscalité. En effet, contrairement à une donation classique, le présent d’usage n’est pas soumis aux droits de mutation à titre gratuit. Aucun impôt n’est dû, ni pour le disposant, ni pour celui qui reçoit. De plus, il n’y a aucune obligation légale de le déclarer à l’administration fiscale (aucun formulaire à remplir). Le dispositif permet donc d’offrir un cadeau d’une certaine valeur sans consommer les abattements existants (abattement de 100 000 € entre parent et enfant et abattement de 31 865 € en cas de don manuel, tous deux renouvelables tous les 15 ans).
Le second avantage est d’ordre civil, l’article 852 du Code civil précisant que « le présent d’usage n’a pas à être rapporté à la succession ». En clair, au décès du bienfaiteur, la valeur du présent d’usage ne sera pas prise en compte pour le calcul de la réserve héréditaire (la part minimale à laquelle chaque héritier réservataire peut prétendre) et de la quotité disponible. Il n’y aura donc aucun impact successoral. Ainsi, le présent d’usage ne viendra pas déséquilibrer les parts entre les héritiers au moment de l’ouverture de la succession.
Un outil efficace, à intégrer dans une stratégie patrimoniale globale
Le présent d’usage est un mécanisme efficace de transmission ponctuelle qui n’est pas soumis à fiscalité, non rapportable à la succession et qui ne nécessite pas de déclaration. Cependant, il nécessite de respecter deux critères cumulatifs le caractérisant : l’existence d’un événement justifiant le don et un montant raisonnable n’appauvrissant pas le disposant.
Bien utilisé, c’est un outil simple permettant de transmettre sans fiscalité, à condition de ne jamais perdre de vue la cohérence globale de sa stratégie patrimoniale. Il est donc à manier avec précaution, en veillant toujours à ce que l’équilibre entre le patrimoine ou les revenus du donateur et le montant offert soit maintenu. L’appui d’un conseil est fortement recommandé afin de bénéficier des avantages du dispositif et d’articuler son utilisation dans le cadre d’une stratégie globale de transmission.


