Quel choix fiscal pour la détention des murs professionnels à travers une SCI ?

Dans cet article, nous allons aborder le cas de l’acquisition des murs professionnels au travers d’une société civile immobilière. Premièrement, nous rappellerons le fonctionnement de la société civile immobilière d’un point de vue global. Puis, dans un second temps, nous exposerons les spécificités des régimes fiscaux IR (Impôt sur le Revenu) et IS (Impôt sur les Sociétés). Enfin, dans une troisième partie, nous présenterons succinctement une stratégie patrimoniale permettant d’optimiser l’acquisition de biens immobiliers professionnels.

 

I. Les principales caractéristiques de la SCI

Tout d’abord, il s’agit d’un abus de langage de parler de SCI comme d’une forme sociétaire à part entière. Juridiquement, ce terme est inapproprié. En effet, une SCI n’est autre qu’une société civile dont l’objet est immobilier. Le code civil ne mentionne d’ailleurs nulle part le terme de SCI.

Il s’agit donc d’une société civile à objet immobilier qui est régie par le Code Civil, plus particulièrement par les articles 1845 à 1870-1.

La plupart des constitutions de SCI sont motivées par un ou plusieurs objectifs tels que :

  • L’acquisition d’un bien immobilier
  • La gestion d’un bien immobilier
  • La transmission d’un patrimoine immobilier

 

    1) Constitution de la SCI

Aucun capital social minimum n’est requis mais chaque associé doit obligatoirement effectuer un apport pour lequel il reçoit, en contrepartie, des parts sociales.

Contrairement à différentes sociétés d’exploitation telles que l’EURL ou la SASU, la SCI doit compter obligatoirement deux associés. Pour cette raison, il arrive que la SCI soit détenue par la société d’exploitation et par la personne physique.

 

    2) Responsabilité des associés

La responsabilité des associés est indéfinie et non solidaire : les associés sont responsables sur leurs biens personnels en cas de pertes subies par la société mais ne le sont qu’à hauteur de leur quote-part dans le capital social.

 

   3) Fonctionnement et gestion de la SCI 

Les règles de fonctionnement de la SCI et les pouvoirs du gérant sont définis dans les statuts. Lors de la constitution, il conviendra de nommer un gérant dans les statuts ou par décision des associés en assemblée générale. Le gérant peut démissionner ou être révoqué sur décision des associés si rien n’est indiqué dans les statuts. Ce point d’attention est à sécuriser pour chaque SCI.

Pour ces raisons, il est indispensable de se faire accompagner par un professionnel compétent lors de la rédaction des statuts d’une SCI afin que rien ne soit laisser au hasard. Une rédaction statutaire sur mesure permet par exemple de :

  • Sécuriser la gestion par le conjoint survivant en cas de décès
  • Prévoir le sort des réserves en cas de démembrement
  • Protéger les donateurs en cas de transmission
  • Déterminer les pouvoirs de chacun en fonction des différentes opérations au fil du temps

 

II. Quel régime fiscal pour la SCI ?

En principe, une société civile est assujettie à l’impôt sur les revenus en application de l’article 8 du Code général des impôts. Il en résulte que ses associés sont personnellement imposés sur une quote-part du résultat fiscal définie au regard de leurs droits dans les bénéfices sociaux, que la société les distribue en dividendes ou pas. La société civile n’est donc pas redevable de l’impôt sur ses propres bénéfices ce qui fait d’elle une société semi-transparente. Pour l’illustrer de manière simple, un associé ayant droit à 50 % des bénéfices d’une SCI qui présente un résultat fiscal de 10 000 € sera donc redevable personnellement de l’impôt sur une base de 5 000 €.

Par dérogation à ce principe, une société civile peut se retrouver assujettie à l’impôt sur les sociétés (IS), soit de par son activité, soit sur option.

Pour mesurer la différence entre ces deux régimes fiscaux, il convient de comparer les deux types d’impositions au titre des loyers perçus par un bien immobilier puis lors de sa cession.

 

   1) Fiscalité à l’impôt sur le revenu

En vertu de l’article 8 du CGI, les associés sont imposés de la manière suivante :

  • Imposition sur les loyers perçus : revenus intégrés dans l’IR de l’associé dans la catégorie des revenus fonciers (imposition dans les tranches du barème IR + 17.2 % au titre des prélèvements sociaux). Par ailleurs, les règles de détermination des revenus fonciers permettent de déduire peu de charges du résultat fiscal (taxe foncière, intérêts d’emprunt, frais de gestion, certains travaux).
  • Imposition de la cession du bien (ou des parts de la SCI) : régime des plus-values immobilières des particuliers (19 % au titre de l’impôt sur le revenu + 17.2 % au titre des prélèvements sociaux). En outre, un abattement pour durée de détention permet de progressivement diminuer la plus-value imposable pour une exonération totale au bout de 30 ans.

 

   2) Fiscalité à l’impôt sur les sociétés

Lorsque la SCI est soumise à l’IS, l’impôt sur les bénéfices est directement acquitté par cette dernière. Les associés ne sont imposés personnellement qu’en cas de distribution de dividendes par la SCI au taux maximum de 30 % selon les dispositions fiscales en vigueur.

  • Imposition sur les loyers perçus : IS à 15 % jusqu’à 42 500 € puis 25 % au-delà sur le résultat fiscal après déduction des charges, dont amortissement du bien.
  • Imposition de la cession du bien : la plus-value imposable à l’IS se détermine de la façon suivante régime des plus-values professionnelles è prix de vente – VNC (VNC = valeur d’achat – amortissements pratiqués jusqu’à la cession) = plus-value taxée au titre de l’IS.
  • Imposition de la cession des parts de la SCI : régime des plus-values mobilières è prix de cession – prix d’acquisition des parts = plus-value imposable, au taux d’imposition maximum de 30 %. Cette hypothèse est relativement rare en pratique.

 

   3) Cas pratique SCI IR vs SCI IS

Afin de mieux cerner la différence entre les impositions IS et IR dans le cadre d’une SCI, voici un exemple chiffré volontairement simplifié sur une année de revenus perçus ainsi que sur une cession envisagée à 20 ans.

Les données retenues pour ce cas sont les suivantes :

  • Prix d’achat du bien immobilier : 1 000 000 €
    • Dont construction (85%)* : 850 000 €
    • Dont terrain (15%) : 150 000 €
  • Durée d’amortissement : 30 ans
  • Loyers annuels perçus : 100 000 €
  • Annuités d’emprunt : 70 000 €
    • Dont Intérêts d’emprunt** : 10 000 €           
  • Autres charges locatives : 10 000 €
  • Tranche marginale d’impôt des associés : 41 %

 

Fiscalité sur les loyers perçus

 

SCI IR

SCI IS

Loyers

100 000 €

100 000 €

Charges globales

–  10 000 €

–  10 000 €

Intérêts d’emprunt

–  10 000 €

–  10 000 €

Amortissement

Non déductible

–  28 333 €

Résultat fiscal

80 000 €

51 667 €

Impôt dû

–  46 560 € (IR + PS)

–  8 667 € (IS)

Annuités d’emprunt

– 70 000 €

–  70 000 €

Trésorerie nette de l’investissement

–  26 560 €

11 334 €

*Le terrain ne pouvant s’amortir, il convient de calculer les amortissements uniquement sur la valeur du bâti

**Les intérêts d’emprunts sont volontairement déduits de manière linéaire pour simplifier la partie illustration. Dans le cadre d’un réel accompagnement, il convient d’illustrer de manière chiffrée chaque année

 

 

Fiscalité sur la cession du bien à 20 ans

 

SCI IR

SCI IS

Prix de cession*

1 500 000 €

1 500 000 €

Valeur du terrain

150 000 €

150 000 €

Valeur des constructions

850 000 €

850 000 €

Amortissement pratiqués

Non applicable

– 566 667 €

Valeur nette comptable

Non applicable

433 333 €

Prix d’acquisition corrigée**

1 225 000 €

 

Plus-value

275 000 €

916 667 €

Impôt acquitté par la SCI

–  40 818 €

– 224 917 €

Capitaux perçus par la SCI

1 459 182 €

1 275 083 €

Impôt sur la distribution

Non applicable

– 382 525 €

Capitaux nets perçus par les associés

1 459 182 €

892 558 €

*Hypothèse de revalorisation d’environ 2% / an et cession envisagée au bout de 20 ans : 1 500 000 € 

**Prix d’acquisition corrigé grâce au forfait travaux de 15 % et acquisition de 7.5 %

 

En réalité et bien souvent, le chef d’entreprise subit le « non choix » de l’impôt sur les sociétés pour des raisons budgétaires. L’illustration du cas ci-dessus met en effet en avant l’effort d’épargne à réaliser pour financer l’acquisition d’un bien via une SCI à l’impôt sur le revenu.

En conséquence, la SCI à l’impôt sur les sociétés est l’outil le plus répandu dans le cadre de l’acquisition des murs professionnels.

 

III. La combinaison possible des avantages de chaque régime fiscal

Dans un cas ou dans l’autre, la fiscalité subie sera confiscatoire mais interviendra de manière différente : :

  • La détention de l’immobilier via une SCI à l’IRfait subir une forte pression fiscale sur les revenus mais celle-ci est faible voire inexistante sur une cession à terme ;
  • La détention de l’immobilier via une SCI à l’IS fait subir une forte pression fiscale sur la cession mais celle-ci est beaucoup plus douce sur les loyers perçus.


Cependant, il convient de préciser qu’il existe tout de même des solutions permettant d’allier les avantages de chaque régime et, ainsi, comme le dit l’adage, « vivre à l’IS et mourir à l’IR » .

Le démembrement de propriété, sous certaines conditions, offre la possibilité de tirer profit des avantages fiscaux de chaque régime. Pour aborder la stratégie recommandée, il est primordial de définir la notion de « propriété ».

La propriété se définit comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » C. civ. art. 544.

Le droit de propriété est un droit réel qui confère à celui qui en est titulaire toutes les prérogatives qu’il est possible d’avoir sur un bien, à savoir :

  • L’usus : le droit de détenir et d’utiliser la chose ou le bien ;
  • Le fructus : le droit de percevoir les revenus (fruits) d’une chose ou d’un bien ;
  • L’abusus : le droit de disposer de la chose ou du bien (vendre, donner, modifier).


Ce droit de propriété peut faire l’objet d’un démembrement et donc faire coexister deux droits réels :

  • La nue-propriété qui consacre la détention du bien.
  • L’usufruit quant à lui permet de jouir du bien et d’en percevoir les fruits. Ce droit étant viager ou à durée fixe, il est systématiquement temporaire. A son extinction, le nu-propriétaire devient alors plein propriétaire


Pour pouvoir bénéficier d’une stratégie optimale lors de l’acquisition des murs professionnels, l’un des schémas préconisés consiste à dissocier la détention des titres sociaux d’une SCI imposée à l’IR en ces deux droits réels de la manière suivante :

  • L’usufruit temporaire sera détenu par la société d’exploitation à l’impôt sur les sociétés. Cette solution permet de bénéficier du régime fiscal de la SCI à l’IS sur la durée du démembrement.
  • La nue-propriété des titres de la SCI IR est détenue par une ou plusieurs personnes physiques. Lors de l’extinction de l’usufruit, cette solution permet au dirigeant et/ou son cercle familiale d’être plein propriétaire des parts de la SCI imposée à l’IR. Cela leur permettra de profiter de la semi transparence fiscale et par conséquent du régime de plus-values des particuliers en cas de cession du bien ou de supporter plus facilement l’impôt sur les revenus fonciers, l’emprunt étant totalement remboursé.

 

Dans une optique d’optimisation patrimoniale et de sécurisation de l’outil professionnel, une acquisition immobilière revêt des enjeux importants qui doivent être appréhendés en amont et dans leur globalité. La clé d’une stratégie optimale se détermine bien souvent par la qualité de l’accompagnement mis en place et par l’anticipation des projets et besoins futurs.

Par ailleurs, l’étude de l’intégralité des aspects patrimoniaux du chef d’entreprise doivent être étudiés. Cela permet de ne commettre aucun impair et de justifier les opérations effectuées, celles-ci ne devant pas avoir une motivation principalement fiscale.

 

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